Ann Lowe, la couturière afro-américaine créatrice de la robe de mariage de Jackie Kennedy
Au lendemain du mariage de Jackie Kennedy, la plupart des journalistes omettent de citer le nom de la couturière qui a fabriqué la sublime robe de la mariée.
Depuis, le nom, l’histoire et le travail de la couturière noire américaine Ann Lowe sortent de l’oubli.
La jeunesse D’Ann Lowe
Ann Lowe naît en 1898 à Montgomery, en Alabama. Une ville qui rentrera dans l’histoire un peu moins de soixante ans plus tard comme le théâtre du célèbre boycott des bus mené par Rosa Parks et Martin Luther King. Nous n’y sommes pas encore quand Ann Lowe voit le jour.
Dans sa ville du Sud des États-Unis, les lois de ségrégation sont toujours en vigueur. Elle naît dans une famille d’artisanes : sa grand-mère est une ancienne esclave qui cousait des robes et sa mère est une brodeuse minutieuse. Cette dernière disparaît alors qu’Ann n’a que 16 ans.
Terrassée par le deuil, la jeune Ann trouve la force de reprendre la commande que sa mère était en train de réaliser avant sa mort : quatre robes pour la femme du gouverneur d’Alabama Elizabeth Kirkman O’Neal. Ces circonstances tragiques lancent sa carrière.
Ses débuts en Couture
Peu de temps après, Lowe se marie avec Lee Cohen et de cette union naît un fils, Arthur Lee. De profonds désaccords émergent au sein du couple. Cohen veut une femme au foyer tandis qu’Ann Lowe compte bien continuer à coudre des robes pour la haute société de l’époque. Elle le quitte, prend son fils avec elle et accepte un travail en Floride pour s’occuper de la garde-robe de la femme d’un riche homme d’affaires.
Cette première expérience lui permet de travailler de riches étoffes et de se faire la main sur des robes sophistiquées. Encouragée par celle qui l’emploie, elle commence des cours de couture dans une école new-yorkaise en 1917. La ségrégation l’empêche de suivre le cursus normal et elle doit s’isoler dans une pièce à part avec sa machine à coudre. Le directeur de l’école, découvrant qu’elle est noire, essaie de la faire abandonner le cursus, mais Lowe s’accroche. Elle obtient son diplôme en 1919.
L’évolution d’Ann Lowe
De retour à Tampa en Floride, elle ouvre une boutique. Elle la nomme « Annie Cohen » et elle fournit toutes celles qui doivent se rendre à un événement social important. Ann économise suffisamment d’argent pour retourner à New York en 1928. Elle travaille pour de grands magasins comme Henry Bendel ou le Saks de la Cinquième Avenue.
En 1950, elle ouvre une nouvelle enseigne qui, cette fois, porte son nom : « Ann Lowe’s Gowns ». Le succès est immédiat. Elle est aidée par son fils qui s’occupe de la comptabilité.
Son style et ses prix assez bas la rendent célèbre. Ses robes élégantes qui intègrent de grandes fleurs cousues avec minutie et des jeux de matières avec du tulle ou de la dentelle ravissent des générations d’acheteuses.
Lors d’un voyage à Paris, Christian Dior lui-même s’émerveille de son talent. Les dames de la haute société se transmettent son contact, des Rockefeller aux Roosevelt. Elle devient « le secret le mieux gardé » de Manhattan.
La consécration
L’année 1953 marque un tournant très important dans sa carrière. La mère de la future Madame Kennedy, Janet Lee Auchincloss, encourage sa fille à choisir Ann pour coudre sa robe de mariée et celle de ses demoiselles d’honneur.
Dix jours avant l’événement très médiatique, une inondation dans l’atelier de la couturière abime les quinze robes, sur lesquelles Lowe travaillait depuis deux mois. Elle n’en dit rien et embauche plus de personnel pour recoudre toutes les robes en dix jours et rattraper le désastre.
La couturière décide d’aller livrer elle-même la robe à la future mariée. Elle doit insister pour que le personnel la laisse entrer par la porte principale. La robe de Jackie Kennedy émerveille la presse avec son bustier serré et son jupon bouffant typique de la mode de l’époque.
Pourtant, la mariée ne cite pas le nom de l’artiste. Lorsque les journalistes lui demandent qui est à l’origine de cette sublime tenue et se réfère simplement à « une couturière de couleur » qui lui a cousu sa robe.
Par la suite, Lowe connaît de nombreuses difficultés financières. Même si elle coud des robes pour des femmes riches, elle est beaucoup moins payée que ses homologues blanches et doit toujours être très prudente.
Quand son fils meurt en 1958, sa situation est critique. Une personne anonyme paie ses dettes et la sort de la pauvreté. La légende raconte qu’il s’agirait de Jackie Kennedy, qui aurait voulu la remercier d’avoir sauvé sa robe sans l’inquiéter.
Après ces difficultés, Lowe rouvre une boutique et embauche plus de trente personnes. Elle continue à habiller de riches héritières.
En 68, elle est la première femme noire américaine à ouvrir une boutique à Manhattan sur la Madison Avenue. Cette passionnée de la couture, désormais reconnue et saluée par les historiens et historiennes de la mode, prend sa retraite en 1972 après de nouvelles difficultés financières.
Elle meurt en 1981, laissant derrière elle de sublimes robes exposées dans les musées américains.
Bonjour
Merveilleuse histoire qu’est Ann Low couturière noire.
Y a t il un livre sur cette femme extraordinaire ?
Un film racontant son histoire ? Histoire qu’elle soit reconnue, il me semble qu’une telle couturière le mérite !!! 🌸🌸Corinne
Bonne idée que cette publication faisant sortir d’un injuste oubli un tel talent.
Je suis preneuse d’autres articles surbl’histoire de la couture qui complètent si bien vos tutos.
Merci Julien car vous avez donné confiance en moi qui a plusieurs reprises ai tenté de coudre.
En plus je peux partager cette passion avec ma nièce.
Bonne journée
J´ai eu des frissons en lisant votre histoire. Merci, car je ne la connaissais pas et je ferai en sorte qu´elle soit encore plus connue dans mon entourage. Merci pour votre article. Ça ne me surprendrait pas si elle a été une grande inspiration pour Christian Dior aussi